Solitude, désert et croissance
Il semble que nous soyons nombreux à passer par des temps de
solitude, et/ou de « désert » spirituel. Les deux sont liés, n’est-ce-pas ?
Je ne sais pas si cette impression est due au fait que je
passe moi-même par ce genre de temps, ou si c’est réellement un phénomène
généralisé, en particulier au sein du peuple de Dieu. Toujours est-il que je
tombe sur des publications sur les réseaux sociaux qui parlent de ces thèmes –
merci les algorithmes ! – donc je me dis que je ne suis pas la seule dans
ce processus, pour le moins… inconfortable.
Il y a des années de cela, au début de ma vingtaine, un frère
avait reçu ce verset pour moi : « C'est pourquoi voici, je veux
l'attirer et la conduire au désert, et je parlerai à son cœur. » (Osée 2
verset 16). Bien entendu, à l’époque, je n’avais aucune idée de ce que cela
pouvait bien signifier. Je ne pense pas que j’avais déjà reçu d’enseignement
sur les déserts spirituels. Mais j’ai gardé cette parole dans un coin de ma
tête, je me disais : « Dieu veut parler à mon cœur, c’est une bonne
chose, non ? »
Enfin, si je suis totalement honnête, je doute que j’ai pris
cette parole aussi facilement, vu le niveau d’inquiétude et d’anxiété que je
ressentais à l’époque, à propos d’à peu près tout ce qui me concernait, et ma
relation avec Dieu n’y échappait pas. Mais cette parole était peut-être trop abstraite
pour moi à l’époque, que mon cerveau l’a comme voilée, et classée dans la
catégorie : « non urgent, à traiter ultérieurement » !
Ensuite j’ai effectivement reçu des enseignements sur le
sujet, comment l’histoire du peuple hébreu représente le processus par lequel
nous passons lorsque nous prenons la décision de suivre Jésus : sortie de
l’Egypte, traversée du désert, entrée dans le pays de Canaan, conquête du
territoire…
Il y a beaucoup de choses à dire sur cette traversée du
désert, mais voici ce que j’en retiens de ma propre expérience : c’est un
temps de formation, bien sûr, un temps de transformation aussi, de
renouvellement de l’identité… C’est un temps de « détoxification »
aussi. Ce que la Bible appelle « purification », j’imagine.
En tout cas, ça l’a été pour moi. C’est un temps où on
apprend à vivre sans ce qui nous semblait indispensable, vital, comme l’eau que
nous buvons, et l’air que nous respirons. D’où la solitude : c’est un
temps pour apprendre à marcher seul.e avec Dieu, sans pouvoir s’appuyer sur les
personnes qui étaient autrefois des soutiens, des piliers, des références. Dans
ce face à face avec Dieu, nos oreilles spirituelles sont aiguisées, nous
apprenons à discerner sa voix par nous-mêmes, sans autre intermédiaire que le
Saint-Esprit. Nul doute que c’est un temps de croissance spirituelle :
nous passons de l’enfance à l’âge adulte ! De la subordination et la
dépendance, à l’autonomie, du moins vis-à-vis des hommes, nos semblables. Pour
dépendre davantage de Dieu, uniquement.
C’est pourquoi je parle de détoxification. Parce que je peux
aisément faire le parallèle avec un processus de sevrage, comme dans le cas d’une
addiction. Qu’on le veuille ou non, quand on est sujet à une addiction, il n’y
a pas 36 solutions : à un moment donné, il faut décider d’arrêter, et le
faire ! Dans le cadre du désert, c’est l’isolement, le fait d’être éloigné
de ce dont nous avons besoin de nous défaire, qui permet ce processus de
sevrage.
Passer par ces temps de solitude, dont la douleur semble
intolérable à certains moments, pour être étiré : notre capacité à la
supporter s’étend. Nous pouvons avoir des moments de rechute, l’impression de
reculer, de ne pas faire de progrès, mais une fois la tempête passée, nous
sommes plus solides, plus résilients. Notre capacité à supporter la douleur a
été étirée.
Un désert peut aussi être une saison de difficultés
financières, qui nous apprend à vivre avec moins, afin de pouvoir dire, comme l’apôtre
Paul : « […] j’ai appris en toutes circonstances à être content avec
ce que j’ai. Je sais vivre dans le dénuement, je sais aussi vivre dans
l’abondance. C’est le secret que j’ai appris : m’accommoder à toutes les
situations et toutes les circonstances, que je sois rassasié ou que j’aie faim,
que je connaisse l’abondance ou que je sois dans le besoin. » (Philippiens
4 versets 11 et 12, Semeur). Encore une fois, nous apprenons à nous passer de
ce qui nous semblait indispensable, afin que, lorsque des jours plus fastes
reviennent, nous ne nous y attachions pas comme si notre vie en dépendait.
C’est intéressant comme ces concepts sont repris dans la
plupart des religions et philosophies, l’idée de devenir plus sage, plus
résistant, plus maître de soi. Plus jeune, je regardais tout cela avec un
certain dédain : à quoi bon s’infliger volontairement des souffrances ?
La vie est déjà assez difficile comme cela, pour ne pas en rajouter inutilement.
Je ne comprenais pas que subie ou choisie, la douleur et la souffrance font
partie de la vie, et apprendre à les gérer, à y faire face, en fait aussi
partie. Que la plupart des objectifs ne s’atteignent qu’à coups de discipline
et persévérance, à travers des processus qui demandent effort et étirement, et
donc un certain niveau de douleur, ou au moins d’inconfort.
Bref, les temps de désert sont des temps, effectivement de
dépouillement, d’abandon de l’ancien, et de transformation, pour pouvoir
accueillir le nouveau.
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