Questions d'identité
Comme déjà mentionné dans un précédent article, nous venons toutes et tous au monde avec cette question : qui suis-je ?
Nous apprenons que nous sommes l’enfant de nos parents, que
nous appartenons à une famille, que nous sommes une fille ou un garçon, que
nous sommes nés dans tel ou tel pays, nous sommes de telle ou telle
nationalité, etc… Puis nous commençons à recevoir des retours sur notre
comportement, et les étiquettes qui vont avec : « elle est bavarde »,
« il est timide », « elle est intelligente », « il est
habile de ses mains », etc…
Ainsi se construisent petit à petit notre identité, et la
perception que nous avons de nous-mêmes. Nos expériences aussi, viennent
façonner nos croyances et notre conception, de nous-mêmes et des autres.
Puis nous devenons chrétiens, et nous apprenons que nous
avons « une identité en Christ ».
Je me souviens la première fois que j’ai entendu l’expression
« identité en Christ ». Une amie proche m’avait invitée à la réunion
bimensuelle des jeunes de son église, et j’avais commencé à y aller régulièrement.
Nous avions tous entre 12 et 20 ans environ je pense. J’avais 13 ou 14 ans à ce
moment-là, et j’étais probablement la seule à ne pas venir d’une famille
chrétienne. En discutant avec un autre jeune de mon âge, une fois, il a utilisé
cette expression. Je ne me souviens plus trop du contexte. Autant,
habituellement, j’ai tendance à comprendre de nouveaux concepts assez
rapidement, autant là, l’expression n’avait aucun sens pour moi. « Mon
identité en Christ » ? De quoi parle-t-on ??!
Avec le temps, j’ai bien entendu fini par comprendre de quoi
il s’agissait : qui je suis aux yeux de Dieu, ce que Dieu dit de moi, qui
Il dit que je suis. Mais à l’époque, l’expression était très abstraite !
Ce qui m’a toujours plus parlé, c’est plutôt : sur quoi
je fonde ma valeur, mon estime de moi, la perception de ma valeur, à mes yeux et aux
yeux des autres ?
Les deux questions sont fondamentalement assez liées :
nous avons tendance à vouloir fonder notre identité sur les parties de nous ou
de notre vie que nous percevons comme valorisantes.
L’exemple le plus courant, est de fonder notre identité sur
notre profession, ou sur un statut. C’est que nous faisons d’ailleurs dans le
langage commun : « je suis médecin », « je suis marié.e »,
« je suis père/mère de deux enfants », « je suis pasteur »,
etc…
Cela n’est pas mauvais en soi, ou faux d’ailleurs, mais
présente cependant des dangers : que se passe-t-il si l’on n’a pas un
travail ou un statut particulièrement valorisé par la société ? Ou pire,
si nous perdons un statut auquel nous tenions ? Que se passe-t-il si les
étiquettes qu’on nous a collées ne sont pas à notre avantage ? Ou bien si
nous nous cachons derrière un titre, un statut, une position, mais nous ne
savons pas qui nous sommes en dehors de cela ?
C’est là que l’identité que Dieu nous donne, notre fameuse « identité
en Christ », prend toute son importance. Dieu nous rassure que :
·
Nous avons de la valeur à ses yeux, intrinsèquement,
parce que nous sommes ses enfants ; notre vie a de la valeur à ses yeux ;
·
Notre valeur ne dépend pas de nos
accomplissements, ni même de notre comportement.
Lorsque l’appréciation de notre valeur est fondée sur autre
chose que notre identité d’enfants de Dieu, et son amour pour nous, nous sommes
« en danger », dans le sens où nous sommes comme une construction
construite sur de mauvaises fondations. Oui, comme dans la parabole de Jésus.
Je crois personnellement que Dieu nous fait passer par des
périodes de « désert », particulièrement pour traiter ces questions d’identité.
Jésus, dans le désert, a été testé sur son identité : « Si tu es le
Fils de Dieu, … » (Cf. Matthieu 4 versets 1 à 11). Et comme on le dit
souvent, si même Jésus a été testé dans ce domaine, nous le serons aussi.
Comme dit plus haut, j’ai mis longtemps à assimiler ce
concept « d’identité en Christ ». Etant plutôt d’un naturel peu sûr
de moi, je n’avais pas l’impression de m’enorgueillir de mes qualités, de mon « statut »,
ou autre.
« T’es intelligente ! »
Moi : « j’ai pas de mérite, c’est un don de Dieu ! »
(et je le disais pas forcément, mais souvent je me disais que j’aurais préféré
être relationnellement intelligente, plutôt que bonne en maths !)
« Tu chantes bien !
Moi : « Mouais… mais… »
Quand on me demandait ce que je faisais dans la vie, je
ressentais souvent une forme de honte avant de dire que j’étais ingénieure. Je
me racontais que c’était parce que j’avais souvent des réactions en face du
genre : « Ah, moi les maths j’ai toujours détesté ça ! ».
Mais la vérité c’est que j’avais à peu près honte de tout me concernant – mais j’ai
déjà parlé de ce sujet dans cet article - !
Et malgré ça, quand Dieu, dans son infinie sagesse, a
commencé à mettre fin à tout ça, eh bien, j’ai du mal à décrire comment je me
sentais intérieurement. Si je manquais déjà d’estime de moi, à présent je me
sentais 10 mètres sous terre !
C’était moi qui avais quitté mon travail, parce que je ne
voulais plus faire ce que je faisais. Mais devoir assumer le fait que j’étais
arrivée au bout de mes forces, et que je ne pouvais plus compter sur ma
soi-disant intelligence, c’était autre chose !
Je n’étais pas satisfaite de mon salaire – bon ça j’avoue, c’était
pas particulièrement humble comme position -, mais admettre que je n’étais pas
capable par moi-même de gagner plus, là aussi mon ego en prenait un gros coup !
Derrière une soi-disant humilité, se cachait un orgueil
plutôt bien développé ! Manque d’estime de soi ne veut pas forcément dire humilité !
Au contraire, c’est souvent le signe qu’on a une vision très élevée de ce que
devraient être nos capacités.
Bref, en commençant à « tout » perdre, à commencer
par ce petit début de carrière, et ce statut d’ingénieure auquel je ne pensais
pas accorder beaucoup d’importance, Dieu a commencé à bien ébranler les éléments
sur lesquels je fondais réellement mon identité, mon estime de moi, mais aussi
mon sentiment de sécurité.
Encore une fois, quand j’y repense, c’était assez ironique,
parce que toutes ces choses que j’avais acquises ne me donnaient pas réellement
de sentiment de sécurité ou de paix intérieure (je vivais avec l’angoisse
quasi-permanente de justement tout perdre : « et si un jour je n’arrive
plus à tenir le rythme, que se passera-t-il ? », comme une sorte de
prophétie auto-réalisatrice), et pourtant, plus ou moins inconsciemment, c’était
ce à quoi je m’accrochais de toute mes forces ! Ou en tout cas, ce dont je
pensais que ma sécurité, et même ma vie dépendaient.
Avec le recul, je pense qu’on ne peut pas totalement prendre
conscience de ces choses, sans les vivre. Et ce qui semble être un drame sur le
moment – et encore, je suis consciente que mon cas est un peu particulier,
parce que c’est moi qui ai décidé de quitter mon travail, ou en tout cas c’est
comme ça que je l’ai vécu – peut finalement s’avérer être une libération !
Si j’avais continué à travailler, je serais peut-être encore aujourd’hui dans
cette angoisse du « et si ? », alors qu’en faisant un pas de
foi, tout n’a pas toujours été facile, loin de là, mais aujourd’hui je sais que
Dieu pourvoit à mes besoins, que je suis capable de vivre avec moins qu’un
salaire d’ingénieure, je suis davantage reconnaissante pour ce que j’ai, ma foi
s’est approfondie, etc… Et mon estime de moi repose moins sur mes accomplissements,
ou mon statut social, etc…
En conclusion, pour
bâtir une nouvelle identité en nous, fondée sur Son amour et Son identité, Dieu
doit souvent d’abord détruire ce sur quoi nous nous appuyons dans les faits. Nous
disons que nous trouvons notre valeur dans notre identité d’enfants de Dieu,
mais le croyons-nous réellement ? Et le vivons-nous ?
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